Journalisme, Véracité Et Climat
Sur la santé de la démocratie
Le rôle des médias est essentiel à une démocratie en bonne santé, c’est ce qu’on peut apprendre en lisant le tome 2 de “De la démocratie en Amérique” de Tocqueville.
En lisant “Le monde, les médias, et moi” de Anne Sophie Novel, j’ai pu apprendre l’existence du Conseil de Déontologie journalistique et de mediation (CDJM), qui fait de la “médiation et de l’arbitrage entre les médias, les rédactions et leurs publics” et dont la charte met en avant la véracité, et la non vérification des faits comme les plus graves dérives professionnelles.
Mais qu’en est-il en pratique lorsque quelqu’un avec de l’autorité, ici un auteur, revendique un propos faux, digne d’une “galéjade” (histoire inventée ou exagérée) ?
Cas pratiques pour le conseil
J’ai saisi (ici et là ) le conseil composé de 15 membres pour 2 articles : “Yves Roucaute: «Sauver la planète de l’humanité est une galéjade»” et « Paradoxes de l’écologie punitive et de l’obscurantisme vert – Yves Roucaute » pour cette phrase :
« l’Homme “a un rôle dérisoire” sur le réchauffement climatique »
Alors que le consensus mondial scientifique est formel et clair, les activitĂ©s humaines sont l’unique raison du rĂ©chauffement climatique en cours (source GIEC AR6 WG1).
Par contre, ce sujet est loin de faire consensus dans le conseil, car il s’est divisĂ© Ă 8 voix contre 7, les 8 voix pour ont dĂ©cidĂ© qu’il n’y avait pas de problème avec ce genre de propos selon le prisme de la libertĂ© d’expression (lire l’avis complet ici):
Le CDJM rappelle que M. Roucaute est libre d’exprimer cette opinion qui ne nie pas le rôle de l’humanité dans le réchauffement climatique, mais la minimise grandement.
Sur la véracité et la liberté d’expression
Nous baignons dans du climato-scepticisme (1 français sur 5 l’est d’après l’ADEME), qui se transforme de plus en plus en climato-rassurisme : le problème est lĂ , mais tout va bien se passer car nous allons inventer un nouveau carburant miracle ou rĂ©cupĂ©rer des mĂ©taux stratĂ©giques des astĂ©roides.
Il ne faut pas aller loin pour comprendre pourquoi il y a autant de personnes éloignées du consensus scientifique : Le Figaro, Sud Radio, Midi Libre, La Depeche etc. ouvrent souvent leur porte à des opinions qui vont à l’opposé de la science au nom de la liberté d’expression.
Le CDJM défend la liberté d’expression et la liberté éditoriale des médias, gage de diversité des opinions.
La liberté d’expression a bien entendu des limites, comme la diffamation ou le négationnisme.
Lorsque des propos nient ou sèment le doute sur un fait critique : l’humanitĂ© est responsable Ă 100% du changement climatique actuel. Et que comprendre ce fait est la première Ă©tape pour Ă©viter que la terre se rĂ©chauffe de +5°C en moyenne comparĂ© Ă 1900, ce qui dĂ©cimera la moitiĂ© de la population mondiale (ndlr: la première guerre mondiale et la seconde guerre mondial ont causĂ© 100 millions de morts) et fera que l’autre moitiĂ© vit dans un monde dĂ©solĂ©.
Pour certains journalistes la liberté d’expression reste surtout une excuse facile pour démontrer leur paresse d’aller consulter plusieurs sources contradictoires et de suivre des formations en continue. Et cela doit être combattu pour la bonne santé de notre démocratie. Si vous ne le faites pas, soutenez financièrement la presse indépendante des milliardaires, et lisez les articles en entier et non pas que leurs titres.
Tous pourris ?
Absolument pas, et le vent tourne. Le point avancé dans cet article est partagé par 7 membres du conseil sur 8 avec cette phrase qui est présent dans l’avis du conseil :
Selon nous, le grief de non-respect de l’exactitude et de la véracité aurait dû être retenu, et la saisine aurait dû être déclarée fondée.
Et le Conseil a l’air d’avoir bien saisi le problème que pose de mettre au même niveau une opinion non sourcée et le consensus scientifique mondial :
Il déplore que les lecteurs du Figaro ne soient pas suffisamment avertis que l’auteur n’est pas un spécialiste du climat et que sa lecture du lien entre les activités humaines et l’effet de serre est en contradiction avec le consensus scientifique sur ce point.
Également, en plus de leur formation, ce conseil peut s’appuyer sur la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique et s’appuyer sur ces points en cas de doute :
- Point numéro 7 : Révéler les stratégies produites pour semer le doute dans l’esprit du public.
Le mĂŞme sujet, voir aussi : DĂ©ontologie journalistique, climat et Figaro - Sylvestre Huet - Le Monde