Notes De Lecture : L'hypothèse K - Aurélien Barrau

Un livre qui ne se veut surtout pas anti-science, écrit par un astro-physicien ça serait un comble. L’auteur éclaire sur la pseudo neutralité scientifique et de ses limites dans le contexte d’une crise civilisationnelle.

En tant que chercheurs ou scientifiques, il faut ajouter une réflexion sur le sens et la finalité de ce que l’on fait : passer d’une civilisation du quand on peut on veut, à quand on veut on peut. Penser la science, plutôt que de l’utilser. Cela réclame des choses essentielles - mais négligées par les sciences dites dures - comme la philosophie et la poésie.

Se moquer des la techno-thaumaturges - qui nous vendent le nouvel opium du peuple : des solutions miracles 0 carbone réservées à des happy-few qui auront la conscience tranquille, ou bien tout simplement arrivant à maturité après notre mort.

Qui peut encore dire que le camp du sérieux et du réalisme est celui des vendeurs de lance-flammes ?

Quelques citations (extraites de leur contexte)

Le terme d’effort est en lui-même problématique puisqu’il laisse entendre que les évolutions indispensables pour endiguer le délitement relèvent d’un moins bien vivre. Ce n’est généralement pas le cas.

Les spationautes ne sont pas des héros. Ils en seraient même la presque exacte antino- mie: marionnettes médiatiques souriantes lisses et d’un système de désublimation généralisé. Objets “marketés” caricaturaux du grand spectacle globalisé.

(Sur le rêve spatial) Désirs d’ailleurs pour palier le saccage d’ici.

Twitter/X est maintenant devenu l’emblème de l’un des hommes les plus dangereux au monde. Des constellations de satellites qui dépeuplent le ciel de ses étoiles aux méthodes managériales les plus violentes, de l’invitation aux coups d’État qui soutiennent ses intérêts à la commercialisation ahurissante de lance-flammes, des projets d’implants cérébraux aux appels du pied à l’extrême droite suprématiste, le patron le plus riche de la planète est manifestement aussi l’un des plus nuisibles. Des plus vulgaires et des plus méphitiques.

Si tuer quelques rats permettait de venir à bout des cancers, il y a fort à parier que nous conclurions, collectivement et en conscience, à la légitimité de cette brutalité. Soit. Mais, très loin de cette situation, une certaine désinvolture règne aujourd’hui, encore et toujours, autour des animaux sacrifiés sans motif extraordinaire. Une légèreté qui nous semble, indûment, aller d’elle-même. Dangereuse accoutumance à la mort-de-l’autre.

Chacun conviendra qu’une arme “zéro carbone”, entièrement recyclable, demeurerait dangereuse si elle était utilisée à des fins criminelles. Voilà pourtant ce que nous tentons aujourd’hui : décarboner l’économie, la verdir donc!, sans prendre le temps de comprendre que sa finalité demeure l’artificialisation systématique du réel et donc l’anéantissement de la vie ainsi, dans une certaine mesure, que l’éradication du sens. Fabriquer des armes létales estampillées “biologiques équitables” relèverait de la farce. C’est pourtant l’exacte analogue de notre actuelle manière d’envisager globalement la situation.

Curieusement, les mesures preventives (à un cancer) - et le sentiment de privation de liberté qui les accompagne inexorablement - sont souvent beaucoup plus difficiles à accepter que les efforts curatifs, aussi desespérés ces derniers soient ils

l’agencement complexe des interdépendances est mis en lumière. Encore faudra-t-il, in fine, les utiliser dans le “bon” sens: Meadows a beau jeu de rappeler que la croissance économique a été, depuis longtemps, comprise comme étant un levier essentiel mais que, hélas, c’est presque toujours du côté délétère de la bascule que nous continuons d’appuyer

Ensuite, et plus profondément, l’histoire de la médecine montre que la seule intervention ayant jamais permis de réduire drastiquement la mortalité d’une maladie est la prévention

Voilà ce que la technique nous a fait oublier: nous ne sommes pas Dieu. Ce n’est pas triste, c’est être en vie. La beauté s’élabore inévitablement sous la contrainte, ce que rappelle d’ailleurs le sens même du mot exis- tence. Ce n’est pas abdiquer que de le saisir: c’est tout à l’inverse choisir de cheminer sans œillères dans un réel plus riche et flamboyant, mais aussi plus fragile, que nous l’avions imaginé.

Les premiers ont marqué les limites d’une invincibilité fantasmée. Alors que le début de la deuxième moitié du XX siècle semblait pro - mettre tous les miracles par innovations ingénieriques - des programmes Apollo aux avions supersoniques-, aucune débauche de moyens,aucun programme d’excellence lancé en grande pompe, aucune annonce politique de priorité nationale n’est parvenue à venir à bout de la malignité métastatique. La question n’est pas de savoir si l’on sera tué par un cancer mais plutôt si l’on aura la chance de vivre suffisamment vieux pour que cela se produise.

Utiliser la langue de l’ennemi, contre l’ennemi et mieux que l’ennemi.

Le techno-solutionnisme rate si profondément la problématique qu’il contribue activement à l’effondrement qu’il feint de vouloir endiguer.

Rabelais, peut-être, oserait aujourd’hui : science sans déviance n’est que ruine de l’âme.


Présentation du livre par Camille Etienne.

Articles dans cette série